ENTRETIEN-CAUSERIE avec.... Marie-Noëlle, aide-soignante à l'hôpital par Xavier FIDELLE-GAY

Publié le par artefacte-asso.com

Artefacte : Bonjour Marie Noëlle, comment vous décririez-vous ? hopital 1


Marie-Noëlle : Je dirais que je suis quelqu’un que son travail a rendu autonome sur le tard, qui est fière d'avoir réussi et qui aime son travail d'aide-soignante.  

Je suis aussi responsable hygiéniste dans le service o ù je travaille et responsable des aides-soignantes stagiaires qui y viennent.

 

 

A. : Vous avez été autonome  « sur le tard » ?


M-N. : Oui, j’ai été « femme au foyer » avec mes quatre enfants, puis assistante maternelle agrée et après mon divorce je suis devenue auxiliaire de vie à domicile. Maintenant je suis aide-soignante.


A. : Vous avez commencé à travailler à quel âge ?


M-N. : À 18 ans, caissière-gondolière à Intermarché.


A. : Était-ce « gondolant » de travailler dans une grande surface ?


M-N. : L’intérêt de ce travail c’était surtout de ne pas être figé à la caisse : parfois tu passais du rayon fromage à la coupe à la gondole puis tu revenais à la caisse.


A. : Je m’aperçois que dans votre parcours professionnel (assistante maternelle, auxiliaire de vie, aide-soignante) l'aide est votre cœur de métier : dans le domaine parental, domestique & médical. Ce besoin d'être dans l'aide à l'autre est en vous depuis longtemps ?


M-N. : Oui, je crois. C'est aussi lié au fait que j’ai passé ma scolarité dans l'enseignement catholique.


A. : Vous disiez être fière d'avoir réussi...


M-N. : Oui, j’ai repris les études à 45 ans pour être aide-soignante. À l'école d'aide soignante j’avais ma nièce de 20 ans dans la même classe ! Je lui interdisais de m'appeler « tatie ». (Rires)


A. : Mais les autres fonctions que vous avez exercées ne nécessitaient pas de formation ?


M-N. : Si, j’ai fait une V.A.E. à 40 ans pour rebondir après un divorce difficile.


A. : Et comment avez-vous vécu cette V.A.E. ?


M-N. : Je voulais une reconnaissance administrative « par le papier ». En fait, le principe de la V.A.E. c’est surtout de valider une démarche plus qu'autre chose comme notamment donner des équivalences de diplôme. J'ai fait quand même un an de stage, d'école et j'ai écrit un mémoire professionnel, sans tricher, sans en avoir l’habitude... Ce n'était vraiment pas évident.


A. : Vous avez été Auxiliaire de Vie Sociale, pouvez-vous nous dire en quoi cela consiste ?


M-N. : L’A.V.S. aide pour les tâches de ménage, de repas, de loisir (promenade) et les tâches administratives. Les auxiliaires de vie sociale interviennent dans la vie quotidienne dans sa globalité. Les A.V.S. ne sont pas des femmes de ménage, je tiens à cette précision.


A. : Durant ces 12 années en tant qu’Auxiliaire de Vie Sociale, que retirez-vous de cette expérience de travail et de vie ?


M-N. : (Silence) Je dirais : beaucoup d'amour de la part des familles.


A. : Donc ceux & celles qui font appel aux A.V.S. ne sont pas isolé-e-s ?


M-N. : Non pas forcément, la famille est là souvent mais l’A.V.S. peut intervenir pour une fin de vie ou un handicap et les A.V.S. permettent de soulager les familles par un soutien au quotidien.


A. : Quel est le meilleur souvenir que vous avez en tant qu'AVS ?


M-N.H : (Silence)... J'en ai tellement... Mes meilleurs souvenirs c'est quand les personnes dont je m'occupais m'attendaient avec impatience, quand ils se faisaient du souci pour moi dans les périodes difficiles que j’ai traversées. En fait les gens dont je m'occupais n'étaient pas de ma famille mais dans les faits c'était tout comme...


A. : Et quel est votre pire souvenir en tant qu’auxiliaire de vie sociale ?


M-N. : Une dame qui avait un cancer généralisé à laquelle je me suis attachée. Elle souffrait moralement & physiquement et je me souviens d’avoir passé un bon moment avec elle un dimanche autour d’un déjeuner. Et puis sa maladie l’a finalement emportée quelques temps après et cela m'avait perturbée...


A. : Actuellement vous êtes aide-soignante, pourquoi avez-vous changé d'orientation professionnelle ?


M-N. : C’est Paul, mon mari de maintenant, qui m’a poussée. Moi, je croyais ne pas avoir les capacités intellectuelles. Et puis la démarche médicale me convenait davantage. Il y a aussi le fait que j'ai le dos en très mauvais état et faire beaucoup de voiture ne me convenait plus.


A. : Et nous voilà encore dans une reprise d’étude, comment cela s'est-il passé ?


M-N. : Cela a été très difficile car j'ai pris un congé d’un an sans solde alors que mes factures couraient toujours et il a fallu sortir le prix de la formation. Il fallait qu’il y ait une réussite au bout, je ne pouvais pas me permettre d'échouer.


A. : Comment définiriez-vous le travail d’aide-soignante?


M-N. : C’est le côté soin à la personne (toilette) et le côté relation humaine. C’est aussi des soins de confort comme les massages. Il faut presque se mettre à la place du patient quand on est aide-soignante et il faut aussi prendre en compte la famille qui confie l'un des sien à l'hôpital public.


A. : Dans quel service êtes-vous ?


M-N. : Au service des longs séjours et de soin palliatif. Dans ce service, on pratique l’humanitude car la maltraitance est partout dans les soins. Ne serait-ce que quand on oblige à prendre des médicaments en les planquant dans la compote... C'est une maltraitance mineure évidemment mais je suis vigilante à toujours remettre en cause ma pratique professionnelle dans le cadre de cette démarche qualité.


A. : Qu’est-ce que c’est l'humanitude ?


M-N. : Je dirais que c’est une humaine attitude dans l’exercice de son travail. L'objectif pour certains patients est l'autonomie, ce qui est une véritable gageure pour les personnes dépendantes qui sont confiées à l'hôpital public.
    Par exemple pour les toilettes, on fonctionne à deux : une personne dite passive qui parle avec le patient et une personne dite active qui fait la toilette. L’humanitude c’est ne pas commencer la toilette en mettant un gant sur le visage. On commence par parler puis on fait les mains, les jambes et seulement après le visage. Ainsi, il y a moins d’énervement de la part des patients, pas de coup, de crachat comme cela arrive parfois avec les personnes handicapées ou les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.
    Avec cette méthode d'individualisation des soins et de démarche qualité, on arrive à des résultats remarquables : nous avons un patient tétraplégiques dans le service qui grâce au travail de l'orthophoniste, de la kinésithérapeute et des aides-soignantes arrive maintenant à manger seul, c’est une belle victoire pour lui comme pour nous !


A. : Oui, sachant que les repas de l'hôpital ont une triste réputation, non ?


M-N. : En effet ce sont des entreprises de restauration collective qui s’en chargent. Pour ma part il me semble que l'on devrait au moins faire la différence entre les séjours classiques et les longs séjours. Vous imaginez, le patient tétraplégique que je vous citais avec une tranche de bifteck bien dur dans son assiette ? Avec l’humanitude on considère que si la personne mange « mou » aujourd’hui elle pourra peut-être manger « dur » demain. Et puis l’essentiel pour nous est que le patient s’alimente mais pas obligatoirement avec des couverts qui nécessitent une motricité fine, alors si on arrive à ce qu’un patient mange fût-ce avec les doigts mais de manière autonome, c’est une grande victoire car l’autonomie a des effets très positifs sur leur moral.


A. : En quoi consiste le travail d'équipe dans votre travail d'aide soignante ?

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M-N. : L'équipe des aides-soignants est composée des agents de service hospitalier (ASH) qui effectuent le ménage, l’aide au repas mais pas de soins. Ensuite il y a les ASH qualifiés (ASHQ) qui ne font pas de ménage et ont le même travail que les aides-soignantes (AS) mais sans la responsabilité ; enfin il y a les aides-soignantes qui ont la responsabilité des soins d’hygiène. Et toute l’équipe est sous la responsabilité d’un cadre de santé.


A. : Et bien, je n’avais pas conscience de cette structuration mais vous ne me dites rien sur le travail d'équipe ?


M-N. : On se parle énormément. Surtout au moment des repas que l'on prend ensemble à la « pause ». On teste chaque jour de nouvelles choses avec certains patients et ce qui ne fonctionne pas aujourd'hui, marchera peut-être demain.


A. : Et quel lien a l’équipe des aides-soignantes avec l’équipe médicale ?


M-N. : Nous avons des réunions hebdomadaires. Nous avons les soins d’hygiène comme tâches communes avec l'équipe des infirmières qui ont seules la charge des soins thérapeutiques sur les indications des médecins. On poursuit ensemble, dans nos secteurs respectifs, l’objectif d'autonomie par l'individualisation des soins.


A. : Avec votre manière d’habiter la fonction d'aide soignante, vous êtes en quelque sorte une hussarde noire de l'hôpital public.


M-N. : (Rougit) Je ne sais pas si je mérite ce compliment mais ce qui est sûr c'est que j'aime mon travail et la mission de service public qui consiste à aider les gens en souffrance.

A. : Et comment concilier une humaine attitude avec la réduction des effectifs qui touche justement l’hôpital public ?


M-N. : Et bien on ne compte pas ses heures, on finit rarement à l'heure. Sachant que l’humanitude bien réalisée est finalement un gain de temps pour l’hôpital et un gain de confort pour les patients.


A. : Quelle est votre « actu pro » comme on dit chez les « pipeuls » ? (Rires)


M-N. : J’ai une maladie génétique qui vient juste d’être diagnostiquée : une dégénérescence articulaire ankylosante et je vais devoir changer de fonction car mon dos me fait trop souffrir. Après discussion avec ma hiérarchie, j’ai choisi de travailler à l'accueil des urgences de l'hôpital : je veux aider les gens en souffrance.

A. : Et comment vit-on le fait d’être une soignante qui va être soignée ?


M-N. : J’ai du mal à vivre le fait d'être malade. Comme je suis suivi dans l'établissement où je travaille, je scrute tout car je suis du métier. Et je mesure le décalage entre l’accueil qui m’est fait et celui que j'offre aux patients.


A. : Bien, nous sommes arrivé au terme de cet entretien si vous le voulez bien, quel message adresseriez-vous à Artefacte ?


M-N. : J’ai beaucoup aimé la brochure avec des boulons mais le livre est gros, certains articles m’ont intéressée mais l'épaisseur m'a fait peur. Je n’ai pas l’habitude.


A : Merci beaucoup de nous avoir fait découvrir votre univers professionnel Marie-Noëlle et je subodore qu’au moins un article du prochain numéro de la revue vous intéressera. (Rires).


Xavier FIDELLE-GAY pour Artefacte Revue

 


 

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Publié dans Travail

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M
<br /> c super , tu as rendu le travail d'aide  soignante à juste valeur. merci encore d'y croire<br />
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